Un jugement récent de la Cour de Cassation, le 5 mars 2015, permet de compléter notre article sur le recours des tiers en parlant de la loi sur les recours abusifs contre un permis de construire.
En effet, comme nous l’avons vu, une personne peut s’opposer à l’octroi d’un permis de construire si elle estime qu’il ne respecte pas les règles d’urbanisme et/ou si elle juge que la future construction lui porte préjudice. Il faut que la personne puisse démontrer qu’elle a un « intérêt à agir », par exemple du fait d’une proximité immédiate avec le terrain concerné.
Les personnes concernées peuvent former un recours devant la collectivité qui a autorisé le permis de construire ou devant le tribunal administratif si aucun accord n’est trouvé.
A quel moment un recours devient-il abusif ?
Certaines personnes utilisent la possibilité légale de recours pour « extorquer » de l’argent à des promoteurs ou des constructeurs. Ainsi, depuis novembre 2012, des condamnations pour « manœuvres frauduleuses constitutives d’escroquerie » à la suite de recours ont été prononcées par la cour d’appel de Paris.
Les promoteurs concernés considèrent qu’ils sont victimes de rackets puisque les personnes ayant déposé un recours contre leur projet proposent de monnayer le retrait de leur recours. Le ministère du Logement estime à 25000 le nombre de logements dont la construction est bloquée chaque année à cause de ces recours abusifs, dont 5000 pour la seule ville de Marseille.
« Cela nous est souvent arrivé » explique Jean-Philippe Ruggieri de Nexity, cité par lemonde.fr. « Notamment à Marseille, où on nous a proposé de retirer un recours contre 600 000 euros. »
Sur la forme, cette pratique est légale, puisque deux parties peuvent décider de trouver un compromis financier à l’amiable.
Dans les cas cités, les individus n’avaient pas, selon la loi, « intérêt à agir » et auraient donc perdu devant la justice. Dans ce cas, l’objectif du recours n’est pas de gagner au tribunal, mais de pousser le promoteur à céder – et à payer – avant de passer devant le juge. Il faut en effet attendre en moyenne un an et demi avant de passer devant le tribunal administratif.
Nexity se revendique comme le premier à avoir dit « non » aux recours crapuleux et appelle à la mise en place de plus lourdes peines contre ceux qui les pratiquent.
En effet, le risque encouru est aujourd’hui très inférieur aux bénéfices potentiels, sauf comme nous le verrons, si le promoteur attaque à son tour les particuliers ayant déposé un recours jugé abusif.
Le projet de loi sur l’habitat prévoit plusieurs mesures pour lutter contre les recours abusifs.
– restreindre la possibilité de recours pour les personnes affectées,
– agir sur la longueur des procédures,
– instaurer une date limite au-delà de laquelle des motifs de contestation du permis de construire ne peuvent pas être ajoutés,
– obliger la déclaration aux impôts des transactions reçues en échange d’un désistement de recours.
Mais la meilleurs défense contre les recours abusifs pourrait résider dans la décision des promoteurs de réagir en attaquant à leur tour les personnes ayant déposé des recours jugés abusifs.
Ainsi, dans l’affaire tranchée par la Cour de cassation le 5 mars 2015, un promoteur attaquait à son tour des particuliers ayant déposé un recours contre un permis de construire « à seule fin de lui nuire en retardant la construction en cause », et leur réclamait plusieurs millions d’euros en dommages et intérêts.
Pour la Cour de Cassation, « la société pouvait légitimement considérer que les recours en annulation dirigés contre son permis de construire ne reposaient sur aucun moyen sérieux et n’avaient pour objet que de lui nuire et retarder la mise en œuvre de son projet ».
Avant d’attaquer un permis de construire, mieux vaut donc mesurer les risques financiers encourus.
Notons à toutes fins utiles qu’aucun des permis déposés par Provence Maisons n’a été confronté à un recours des tiers.
Merci pour cet article à propos des permis de construire. Je sais que le processus d’avoir un permis est un peu compliqué et je cherchai des conseils de ce qu’on peut faire si le permis n’est pas bien fait. C’est bon de savoir que des recours sont possibles si c’est nécessaire. Merci pour ces informations.